Accès aux soins et aux droits

Des associations de lutte contre le sida préoccupées par la qualité de la prise en charge et la lutte contre les discriminations, ont développé une dynamique citoyenne de veille active et de remontée de l’information sur l’accès aux soins et aux droits en créant des observatoires.
Grâce à une approche participative, ces mécanismes indépendants et communautaires révèlent les analyses des associatifs, et font entendre la voix des malades pour contribuer à l’amélioration de la prise en charge en fonction des manquements réels.

Les Observatoires de l’accès aux soins

Gratuité effective des ARV ? Disponibilité des traitements et des réactifs ? Surcoût des bilans ? Accueil par le personnel médical ? Accès décentralisé ? Droits bafoués en raison du statut sérologique ou de l’orientation sexuelle ?
De nombreux dysfonctionnements entraînent des difficultés dans l’accès aux soins et une qualité de services inégale, dans un contexte de stigmatisation ouvrant à des violations de droits. Pour y faire face, les observatoires de la prise en charge sont des dispositifs de collecte d’informations permettant de documenter ces dysfonctionnements en vue d’interpeller les pouvoirs publics.

Les Observatoires des droits

Dans la même logique de collecter pour agir, des associations de lutte contre le sida étendent cette expertise au recueil d’informations sur les discriminations et les violations des droits, via la création d’observatoires des droits, notamment Alternatives-Cameroun, Céradis au Bénin et l’ATL en Tunisie. Alternative Cameroun a mis en place un observatoire des cas d’arrestations sur la base de l’orientation sexuelle (l’homosexualité est pénalisée dans ce pays depuis 1972).
Céradis a ouvert son observatoire sur l’accès aux soins aux cas de violations des droits en raison de l’orientation sexuelle réelle ou présumée et à mis en place un partenariat avec BESYP, réseau d’association LGBT afin que ces dernières jouent le rôle de sentinelles faisant remontée l’information.
En Tunisie, l’observatoire se concentre pour l’instant sur les violations des droits des prisonniers, notamment concernant les difficultés d’accès aux soins des PVVIH emprisonnés. L’observatoire traite des cas de violations des droits sur la base de l’orientation sexuelle mais achoppe sur les suites juridiques à donner à ces violations dans la mesure où les victimes ne souhaitent pas rendre publique ces violations de leurs droits.

Ces observatoires ont pour objectifs de :

  • Disposer d’une information fiable et alternative sur la situation de la prise en charge dans le pays, pour identifier les principales entraves dans l’accès aux soins et aux traitements, ou dans l’accès aux droits.
  • Interpeller les pouvoirs publics sur les dysfonctionnements, être force de proposition sur les solutions à y apporter pour améliorer les conditions d’accès aux soins ou réduire la discrimination et ainsi mener un plaidoyer efficace.
  • Promouvoir l’autonomisation et l’empowerment des personnes touchées afin de les rendre actrices de leur prise en charge ou leur permettre de réagir face aux violations de leurs droits.
Acteurs sur la thématique

En 2010, Positive-Generation, association camerounaise, lance le Treatment Access Watch (TAW) en collaboration avec 3SH. Le TAW de Positive-Generation devient aujourd’hui un standard pour de nombreux acteurs internationaux.
D’autres associations se lancent à leur tour dans des projets d’observatoires et les dispositifs les plus aboutis actuellement sont menés par :
– le RAME avec le TAW-Burkina
– et CeRADIS avec l’Observatoire de qualité de la prise en charge médicale des PVVIH au Bénin.

En 2014, AIDES lance le projet Plaidoyer, en Afrique et dans les Caraïbes, pour les droits humains et la non discrimination dans la prévention et le traitement du VIH/sida et des hépatites des groupes les plus vulnérables : hommes ayant des relations homosexuelles (HSH), travailleur.se.s du sexe (TS) et usager.ère.s de drogues (UD). Les associations partenaires  :

  • développeront, des actions de sensibilisation/information de divers acteurs clés (médias, police, justice, santé, politiques) sur les droits humains et la lutte contre le VIH/sida auprès des groupes vulnérables
  • renforceront également leurs capacités de défense des droits de ces groupes vulnérables, en les informant sur leurs droits et en proposant une assistance juridique aux personnes victimes de violations de leurs droits et/ou en prise avec la justice
  • mettront en place des mécanismes d’observatoire des violations des droits et des discriminations à l’égard des groupes vulnérables pour pouvoir les dénoncer aux niveaux national et international

Le fonctionnement des Observatoires :

Ces dispositifs sont évidemment « pays-dépendants », mais le cœur du dispositif mis en place reste le même.

  • Collecter l’information :

– Les associations ont construit des mécanismes de collecte d’information s’appuyant sur les relais communautaires au sein des sites (ex : médiateurs au Bénin, agents relais communautaires (ARC) au Cameroun) et sur les associations de PVVIH. Les « observateurs » sont bénévoles.
– Les informations collectées concernent principalement les questions suivantes : disponibilité des soins et traitements, présence du personnel médical sur les sites, disponibilité des examens et leur coût. Les informations à collecter ont été définies avec les personnes vivant avec le VIH, ce qui constitue une première phase de l’empowerment.
– La transmission de l’information des sites jusqu’au niveau central nécessite des moyens de communication les plus simples possibles (SMS, ligne téléphonique gratuite).
Traiter l’information :
– L’information collectée est consolidée au niveau de l’association porteuse de l’observatoire.
– L’analyse des données est faite en partenariat avec les associations ou le réseau d’associations de personnes vivant avec le VIH.
– Les données traitées permettent d’identifier les sites ou les régions pour lesquels les dysfonctionnements sont les plus importants : ceux-ci peuvent faire l’objet de sorties de terrain pour rencontrer les acteurs de la prise en charge sur place.
– L’un des enjeux pour les acteurs associatifs est celui de la vérification des informations remontées.

  • Rendre public et interpeller :

– Les informations collectées et les dysfonctionnements identifiés font l’objet de rapports périodiques.
– Globalement, l’ensemble des informations permet d’alimenter le plaidoyer des associations de lutte contre le sida lors de rendez-vous de lobby ou dans le cadre de mobilisations.

  • Empowerment et partenariats :

– Autour de ces dispositifs se sont construits des partenariats avec les organisations de personnes vivant avec le VIH, mais aussi avec d’autres secteurs comme les associations de juristes. Ainsi se trouvent démultipliées les expertises pour l’analyse ainsi que les canaux et les messagers pour le plaidoyer.
– Les associations porteuses du dispositif construisent les moyens de l’empowerment des personnes qui pourront partager et agir contre les dysfonctionnements rencontrés.